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Le Médiapresse article de

La plus controversée des prédictions marxistes remise au goût du jour par… une banque d’affaires !

Beaucoup pensaient Marx enterré et sa célèbre baisse tendancielle du taux de profit avec lui. C’était sans compter sur les travaux de Patrick Artus, membre du Cercle des économistes et directeur de la recherche et des études de la banque d’affaires Natixis

Certes, j’arrive un peu tard. La note du chef économiste de la banque d’affaires Natixis, Patrick Artus, intitulée « la dynamique du capitalisme est aujourd’hui bien celle qu’avait prévu Karl Marx » date de février et beaucoup d’organes de presse l’avaient commentée dans les jours suivant sa parution. De L’Obs à Slate en passant par Le Monde, chacun y était allé de son commentaire, un brin frissonnant du côté « et de gauche » de la Macronie, un tantinet condescendant de son côté « et de droite ». Mais que dit ce papier ?

Pour ceux qui n’auraient jamais entrouvert Le Capital de Karl Marx, la note de Patrick Artus, essentiellement illustrée de graphiques et scandée de phrases courtes, valide la prédiction la plus controversée du génialissime et inégalé philosophe allemand : la baisse tendancielle du taux de profit.

La baisse tendancielle du taux de profit : une loi marxiste fondamentale

En effet, selon la théorie marxiste, le fonctionnement intrinsèque du capitalisme l’entraîne inéluctablement à devoir affronter une diminution des rendements à mesure que l’intensité capitalistique s’accroît. À première vue, cela pourrait vous paraître extrêmement bizarre, vu l’étalage indécent des super-profits réalisés par les grandes firmes multinationales et la cascade de dividendes qu’elles distribuent. On n’a pas du tout l’impression, surtout à notre époque, que les profits baissent. Mais il ne faut pas se fier à ses impressions.

Ce qui compte, c’est le taux de profit. On peut tout à fait générer une quantité faramineuse de profits, avec plein de zéros derrière le premier chiffre, mais sans pour autant que le pourcentage de valeur supplémentaire créée n’augmente. Au contraire. Plus les choses avancent, avec leur cortège de machines et d’automatisation, et moins le rendement s’accroît. Parick Artus le « voit au recul de la croissance de la productivité globale des facteurs », source de « perte d’efficacité des entreprises des pays de l’OCDE ».

Cela se voit, presque à l’œil nu, dans la plupart des secteurs. Si l’on prend par exemple l’agroalimentaire et la grande distribution, qui sont la pointe avancée du secteur primaire (l’agriculture), on remarque que le résultat net de ses entreprises est assez faible, de l’ordre de 2% par an. Encore plus caricatural : quelle est la valeur unitaire d’une chanson reproduite en format MP3 ? Zéro, puisqu’elle est duplicable à l’infini. Et dans un cas comme dans l’autre, on observe une intensification phénoménale du capital mobilisé pour produire ces marchandises, concomitante avec une chute tout aussi raide de la quantité de travail humain nécessaire à leur production.

La dématérialisation à l’œuvre

Si l’on s’attarde trois secondes sur la chanson MP3, on voit qu’effectivement dans la chaîne de valeur mobilisée pour sa réalisation, il y a d’un côté une toute petite part de travail humain, quelques musiciens, un ingénieur du son dans leur studio ; et de l’autre une part gigantesque de capital, sous forme de logiciels et de milliards d’ordinateurs connectés aux quatre coins de la planète. Cette combinaison d’un travail proche de zéro et d’un capital proche de l’infini aboutit à un prix unitaire de la copie tendant vers zéro.

S’il pleuvait des CD et qu’il suffisait de se baisser pour se les approprier, personne ne les paierait et c’est d’ailleurs, métaphoriquement, ce qui se passe (sauf pour ceux qui ne savent pas comment télécharger des chansons illégalement). Comment s’y prennent aujourd’hui les fabricants d’œuvres musicales pour lutter contre cette tendance et recréer de la valeur ? Essentiellement en faisant des concerts. Ils « se produisent live » et redonnent ainsi la prépondérance au travail humain. L’industrie musicale illustre bien la théorie marxiste : quand le capital remplace le travail, la valeur par unité produite baisse ; quand le travail remplace le capital, elle monte.

Si vous ajoutez à cela la concurrence, qui oblige sans cesse les producteurs à offrir la même marchandise moins cher ou à en proposer une meilleure, plus innovante (au prix d’un accroissement de l’intensité capitalistique), vous subissez nécessairement une tendance à la baisse du taux de profit. Mais, encore une fois, vous n’avez pas l’impression que c’est vrai quand vous regardez autour de vous. Et votre impression est à la fois fausse, comme on l’a vu à l’instant, mais, aussi, en même temps, vraie ! Pourquoi ?

Revenons-en à l’agriculture (mais ça marche aussi pour les bagnoles). Les techniques de production du blé des années 1950, plus intensives en main d’œuvre, dégageaient péniblement 10, 15 quintaux par hectare, mais la tonne de blé valait cher (il n’y a qu’à se référer au budget bouffe des Français à cette époque).

Aujourd’hui, c’est le contraire : les techniques de production sont faibles en main d’œuvre (la population active agricole s’est effondrée d’un facteur 10 depuis 1945) et ultra intensives en capital (énormes exploitations, machines et produits chimiques). Elles dégagent 90 quintaux à l’hectare, mais la tonne de blé vaut moins cher, du fait de cette inversion entre la part du capital et celle du travail ; et de l’accroissement de la concurrence, le marché du blé étant devenu mondial. Ce qui permet à nos chers céréaliers du Bureau national de la FNSEA de faire encore du… blé, c’est l’écoulement, sur un terrain de jeu immensément plus grand que l’Hexagone, de quantités bien supérieures à celles des années 50. Si la taille de leur marché était restée confinée au marché français, ils auraient tous fait faillite, sauf un.

La concurrence et l’accroissement du capital utilisé pour produire tuent en effet tous les compétiteurs, sauf le dernier, celui qui est toujours parvenu à devancer les autres (d’où la concentration des richesses et l’accroissement des inégalités). Le taux de profit ayant tendance à baisser, pour gagner autant, il faut produire plus et prendre la part de marché des autres. Et cela explique évidemment non seulement la course effrénée au libre-échange, qui permet de braconner des territoires auparavant inaccessibles, mais aussi les délocalisations. Nike n’extraie de la valeur de ses morceaux de cuir, de caoutchouc et de toile collés ensemble avec des lacets attachés dessus, que parce qu’il emploie des ouvriers à 8 dollars par jour (le salaire moyen chinois). Et c’est pareil pour les Iphone, au passage.

Le rôle du travail

C’est donc toujours le travail humain (ou plutôt son appropriation) qui rapporte. Le capital coûte ; et il faut sans cesse en amortir le coût. Mais il ne s’agit là que d’une « tendance ». D’où la part de justesse de votre impression. Comme vous l’aurez sans doute remarqué, les capitalistes savent s’y prendre, pour inverser la tendance (reportez-vous par exemple au graphique 1b de la note d’Artus, pour voir ce que ça donne entre 1996 et 2016).

Depuis 30 ans, ils n’arrêtent pas de rogner sur le « coût du travail », précisément pour rétablir leurs taux de profits antérieurs (on le voit sur les graphiques 2 et 3 de la note). En faisant payer aux salariés l’amortissement de leur investissement capitalistique (austérité, lois travail, baisse des retraites, fraude fiscale, délocalisations) et en conquérant de nouveaux marchés grâce au libre-échange, ils s’y retrouvent et affichent des profits faramineux. La baisse tendancielle du taux de profit est enrayée. Mais momentanément.

Momentanément, car à force de comprimer les salaires, ils compriment aussi la capacité d’absorption de leurs marchandises. Il en faut de l’argent, pour se payer chaque nouvel Iphone, vu qu’il en sort un tous les 6 mois. Mais les salaires dévissent et se rapprochent dangereusement du seuil de subsistance (qu’on considère, en France, équivaloir au SMIC). Et qu’arrive-t-il lorsque les consommateurs-travailleurs ne peuvent plus se payer toute cette camelote ? Patrick Artus répond : « la compression des salaires et la hausse des profits ont une limite, qui est l’impossibilité de réduire les salaires en-dessous d’un certain niveau (le « salaire de subsistance« ). Pour soutenir le rendement du capital, les « capitalistes » utilisent alors les activités spéculatives, par exemple les rachats d’actions qui font monter les cours boursiers, et la spéculation immobilière ». Et au bout d’un moment, ça pète.

Il y a clairement, sous le capitalisme, une baisse tendancielle des taux de profits. Ceux qui ne veulent pas la voir ne voient pas que la Première Guerre mondiale a été causée par un enfermement du capital dans ses frontières nationales et par une lutte à mort pour les débouchés coloniaux. Ils ne voient pas non plus que la Deuxième Guerre mondiale a résulté d’un effondrement des profits consécutif à une hyper accumulation de marchandises relayée par une hyper accumulation des « activités spéculatives » (crise de 1929). Ils ne voient pas davantage que l’extrême capitalisme contemporain provient de l’arrivée « sur le marché » de 3,5 milliards de travailleurs-consommateurs (Europe de l’Est, Russie, Chine et Inde) et que resté confiné aux limites de l’Occident, il aurait déjà collapsé. Ils ne voient pas, enfin, que ce qui enraye actuellement la baisse du taux de profit, y compris en Chine, c’est le surendettement (265% du PIB mondial) et la planche à billets.

Quand il faudra payer ces dettes, Marx aura eu encore raison et les super profits se transformeront en super pertes. Reste à savoir qui, des capitalistes ou des travailleurs, les épongera.

 

https://lemediapresse.fr/economie-fr/la-plus-controversee-des-predictions-marxistes-remise-au-gout-du-jour-par-une-banque-daffaires/

 

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